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L’ingratitude de la mort

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Je me souviens quand j’étais tout jeunot d’avoir fantasmé ma propre mort, mais une mort toute fausse qui me permettrait enfin de combler ce besoin d’amour insatiable par une démonstration claire. Je voulais goûter à la plénitude de savoir que tout convergeait en mon centre, du remord d’en avoir si peu fait pendant que j’y étais à la déception d’avoir sous-estimé ma valeur, tout cela bien sûr propulsé par le désir de vengeance que mon manque assoiffé demandait. C’est pathétique, je sais, mais bon, ça devait être éducatif.

Je repense à tout ça grâce à la mort de Gary Carter. Parce qu’avec le concert d’éloges qu’on nous sert dans les médias, autant sociaux que traditionnels, je constate qu’on nous aimera beaucoup plus, en tout cas beaucoup plus en concentré, après l’annonce de notre mort. D’une manière exponentielle pour ce qui est des célébrités, bien sûr. Mais que ce soit Gary Carter est un prétexte, la goutte qui a fait déborder le vase, après la mort de Whitney Houston. Parce que oui, je sais maintenant, Gary n’a pas manqué d’amour avant de décéder. Mais c’est pas une raison…

Au-delà de cet exemple, tout le phénomène entourant le décès d’une personnalité et les débordements médiatiques est pour le moins absurde quand on est athée. Oui je sais que cela fait partie du processus de deuil collectif, mais dans la forme cela pointe une possibilité que le défunt soit comblé par toute cette attention. Oui je sais que tout cela est bien plus du ressort de la tradition qu’ouvertement et consciemment en lien avec l’idée d’une vie après la mort, mais je ne peux pas m’empêcher de voir tout ça comme des coups d’épée dans l’eau. Eh! que je ne suis pas romantique!

Je ne suis pas en train de faire comme l’enseignant de Sorel qui a (soi-disant*) censuré la finale de la chanson d’Édith Piaf, parce qu’en discuter ce n’est surtout pas censurer. Mais de mon point de vue, ce phénomène post-disparition des personnalités publiques est une preuve sans équivoque de l’ingratitude de la mort et je me devais de le pointer, ne serait-ce que pour le plaisir de la chose. ‘ajouterais, encore pour le plaisir, que ce phénomène est le contraire du dîner de cons : il n’y a pas d’invitation à un dîner et les cons n’y ont vraiment pas droit, quoique.

Mais ce qu’il y a de plus discutable avec tout ça, c’est l’incroyable récupération de ces événements pour s’en faire du capital. Les médias sont aux premières lignes et ça se défend, puisque c’est tout d’abord de l’info. Cependant, l’expression « faire ses choux gras » n’est jamais bien loin. Le comble, c’est quand certaines personnes se servent du « buzz » pour en tirer profit. Et à cette époque de l’omniprésence des médias sociaux, la table est mise pour l’autopromotion croisée.

Si la vie après la mort existe et que nos célèbres défunts nous entendent, je me demande bien s’ils ne sont pas d’accord avec moi. Mis à part le réel désarroi de la famille, des amis proches et des admirateurs les plus fidèles, dans leur cas la mort est un bien drôle de cirque.

 

*Le directeur de l’école dudit enseignant censeur, qui a quand même le droit qu’on l’écoute, expliquait au Téléjournal qu’il n’était pas question de couper ladite phrase, mais bien de laisser à d’autres enseignants plus habilités le soin d’expliquer le concept de Dieu.

 

(Photo : vitelone)


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